lundi, mars 19, 2007

PIERRE BOULEZ - LA INTERVIEW (the interview and the photograph are all rights reserved)



Álvaro Sílvio Teixeira - J'ai pris des petits notes… Parler avec vous c'est parler avec l'histoire et son protagoniste… il faut au moins prendre des notes…

(rires)

Pierre Boulez, c'est un trés grand plaisir être ici avec vous. Vous êtes un grand chef-d'orchestre. Vous êtes une figure trés important pour la seconde moité du vingtième siècle qui entre dans l'actualité.

Il y a trois semaines, vous avez fait, avec cet orchestre (Wiener Philharmoniker), une oeuvre de Bartok. Aujourd'hui encore Bartok… et de nouveau beaucoup de problèmes rythmiques…

Pierre Boulez - Oui. Il y a des problèmes parce que Bartok c'est très difficile. Mais il faut que vous sachez que ce n'est pas exactement la même formation qui a joué a Salzburg. On à peu près trente pour cent des musiciens, peut-être quarente pour cent, qui n'étaient pas dans la formation de Salzburg et qui sont dans cette formation. Donc il faut reprendre les problémes au départ, simplement.

AT - Oui. Mais cet orchestre c'est pour beaucoup des gens le meilleur du monde! Et j'ai vu qu'ils ont des problèmes de rythme…

PB - Mais il y a toujours des problèmes avec n' importe quel orchestre parmi les meilleurs du monde. Et même avec les meilleurs solistes du monde il peut y avoir des problémes quand la musique est dificille et quand on n'a pas joué tellement souvent.
Donc, ces problèmes rythmiques sont des problèmes qu'on rencontre partout, tout simplement. Il faut les résoudre collectivement. C'est ça qui est dificil.

AT - On peut dire que c'est peut-être dû à la complexité de votre musique vous avez une perception rythmique plus rafinée que la majorité des musiciens…

PB - Non, je crois… Oui. Je suis trés sensible au rythme. Je suis sensible à des autres choses aussi, mais au rythme en particulier. Je trouve que, en tant qu'on n'a pas résolu cette chose rythmique, la musique n'est pas claire. Surtout dans deux compositeurs, c'est extrêmement important: Bartok et Stravinsky.

AT - Je savais qui vous parleriez de Stravinsky…

PB - Biên-sûr. Ils ont introduit un vocabulaire rythmique et une façon de parler, en tant qu'on parle de rythmique, différents de la tradition, tout simplement. Surtout de la tradition austro-alemande oú vous ne trouvez pas ce genre de rythmique. Vous les trouvez parfois chez Mussorgsky ou même chez Rimsky-Korsakov, qui utilize ce genre de mesure á cinq temps, mésure irrégulière, même á sept temps, etc. Mais jamais d'une façon assez poussée que Stravinsky l'a fait en son temps et que Bartok a fait aussi en son temps. Donc, ce sont des problèmes qui se posent toujours, probablemement parce que l'éducation ne met pas suffisament l'accent lá dessus. Je pense que si l'éducation se mettait davantage l'accent sur le sens du rythme, pas seulement l'exactitude mais le sens du rhytme, on y arriverait davantage, plus vite.

AT- Tout d'abord, quand vous avez fait la répétition de Bruckner, ça a été d'un coup...

PB - Ça c'est dans leur sang. C'est plutôt moi qui prends le sens de leur part plus que je leur donne du sens. Lá c'est une musique qui a un aflux assez régulier oú il n'y a pas de dymymétries rythmiques, mais, ce qui est important c'est la souplesse , le "rubatto" et la souplesse de la diction.

AT - Les crescendos...

PB - Voilá, tout ce qui est souplesse de la diction, les choses qui se répètent mais se répètent en se transformant , c'est trés caractéristique de Bruckner et n'est pas du "rubatto" comme dans Debussy, par exemple, où le "rubatto" est beaucoup plus subtil, beaucoup plus difficile à atteidre parce que rien n'est indiqué d'une façon ausi précise. Donc il faut le sentir beaucoup plus que l'exécuter d'aprés des directives.

AT - Je suis d'accord mais, par exemple, les crescendos de cette orchestre-lá sont extraordinaires, mais sont aussi dus á vous!

PB - Biên-sûr. C'est évident que si on n'indique rien, ils le feront quand même, mais peut-être avec moins d'intensité. Lá il faut qu'on se comprenne bien. Moi, je comprends ses intentions et ils me comprennent aussi.

AT - J'ai vu qu'ils vous comprenent bien. La premiére fois vous avez fait des crescendos impressionants...

PB - Ça vient naturellement. Je vous ao dit: c'est dans leur sang. Absolument. C'est dans leur éducation, dès le début. C'est une musique qu'ils sentent parfaitement.

AT - Pour vous c'est un plaisir de travailler avec cet orchestre-lá?

PB - Oui, c'est un grand plaisir parce qu'ils travaillent trés bien. Je vous ai dit, quand on donne des indications... Vous avez remarqué sur le rythme, mais, quand on donne des indications les choses sont faites aprés. Ils oublient trois semanies aprés, c'est évident, mais quand on remet les choses au point, elles restent au point et sont bien fixées pour le concert.

AT - Je me rapelle que vous avez enregistré en disque "La Mer", de Debussy, avec un orchestre américain...

PB - Cleveland.

AT - Et ce registre-lá continue à étre une référence...

PB - Oui.

AT - Depuis d'autres grands chefs-d'orchestre on fait ça, mais la vôtre continue, por moi, à être la grand référence. C'est exacement dû a l'aspect dynâmique et rythmique...

PB - Le rubatto... La liberté avec le texte, qui n'est pas une liberté gratuite, mais une liberté conçue d'aprés le texte. Avec un orchestre comme l'orchestre de Cleveland, avec qui je m'entends aussi trés bien et je m'entendais dejá trés bien à cette époque, on a vraiment étè ensemble pour l'interprétation de cette pièce.

AT - Par contre, et ça c'est récent, vouz avez fait une interprétation géniale de la deuxième de Mahler, avec cet orchestre-lá (WienerPhilharmoniker).

PB - Oui, oui. mais quand on s'entend bien et quand on travaille tout à fait ensemble, quand on désire le même but, le même résultat, il finit par arriver, tout simplement. On n'a pas besoin d'expliquer, ils comprennent ce que je fais et ils comprennent mes gestes sans avoir besoin d'expliquer beaucoup. Vous avez vu: en un moment je donne deux ou trois explications, comment je veux entendre les choses, aprés il y a des questions techniques à régler, mais il faut d'abord régler le sens musical. S' ils ne comprennent pas pourquoi vous exigez ça, pourquoi vous demandez ça, les gens se demandent "qu'est qu'il a dans la tête?". Alors si vous expliquez ce que vous voulez, le côté détente, le côté joyeux de la musique que n'est pas crispé, il's savent qu'il faut jouer à ce moment lá plus détendu, plus "legatto", plus soutenu, etc, etc.

AT - En fait vous avez parlé trop peu et il en est sorti un Bruckner absolument extraordinaire.

Rétrospectivement, Pierre Boulez, le grand chef-d'orchestre, qu'est ce qu'il pense de Pierre Boulez, dans le passé, en tant que compositeur?

PB - la carriére de chef-d'orchestre à mangé mon temps. Aussi quand j'ai administré des instituitions, quand jétais directeur musical soit de la BBC, soit de New York, et aprés quand je me suis mis à créer l' Ensemble Intercontemporain. Ce sont des tâches qui demandent, au débout en tout cas, beaucoup de temps. Et l' IRCAM aussi m'a pris beaucoup de temps. Mais je suis content d' avoir fait ces choses-lá parce que sont des instituitions uniques dans le monde même, donc qui marchent trés bien et qui aident la musique contemporaine à vivre et à vivre convainquant les gens de la nécessite de la nécessite, et de la qualité des nouvelles productions.

AT - Et qu'est ce que vous pensez de la musique conemporaine aujourd'hui?

PB - Elle est trés vivace et trés variée. Je ne suis jamais pessimiste. Je pense toujours qu'il y a des gens qui sont trés doués, qui indiqueront les chemins musicaux de demain.

AT - Mais, par exemple, vos disciplies, les gens qui ont suivi votre linage esthétique. Vous croyez qu'ils auront une place, aprés vous?

PB - Mais seulement moi...

AT - Il faut compreendre l' histoire... on connaît l' histoire... et aprés vous, qui êtes, biên-sûr, dans l' histoire, aussi en tant que compositeur, vous croyez que tous ces gens lá, qui continuent à écrire un peu comme vous, vous croyez qu'ils auront une place?

PB - Ceux que m'imitent ne sont sûrement pas trés intéressants. Ceux qui m'immitent littéralement...

AT - Ils font de petits variations... biên-sûr...

PB - Ceux qui ont une personalité et développent la musique dans un sens probablemnt différent de celui que j'ai fait... On ne peu pas faire beaucoup des prévisions, on ne peut pas juger des gens de vingt-cinq and comme s'ils avaient quatre-vingt ans...

AT - Je ne parle pas de ceux-lá...

PB - Il faut leur laiser le temps de se développer, tout simplemnt.

AT - Je ne parle pas de ceux-lá parce que les gens de vingt-cinq ans, probablement, je ne sais pas, mais...

PB - Ils composent différement! Les circunstances sont différents. À soixante ans de distance ils ne feront sûrement pas la même chose.

AT - Cette période de l'histoire de la musique, le sériaslisme et le post-sérialisme, c'est une période importante pour la musique?

PB - C'est une période par laquelle il fallait passer avant de trouver autre chose. c'était une période disciplinaire. Il faut sortir de la discipline, on ne peut pas constamment être cachá pour la discipline. Donc il faut trover une liberté d'expression, mais avec un vocabulaire qui soit non seulement logique, mais qui soit cohérent, surtout. C'est cette cohérence qui est difficile á trouver. Alors on la trouve par des moyens techniques au départ, et aprés on se libère de ces moyens techniques d'une façon assez rigide pour arriver à trouver des moyens d'expression généreux et beaucoup plus libres.

AT - Vos venez de toucher à un point essentiel, pas seulement de la musique, mais de tout l'art. C'est la cohérence...

PB - Oui, oui. ça s'applique à tous les arts et moyens d'expression. La littérature aussi bien...

AT - Vous avez parle´de discipline... Pourquoi est-ce que les grands chefs-d'orchestre n'aiment pas travailler avec les orchestres français? Il's ont toujours des problémes...

PB - Oui, mais ça dépend. J'ai travaillé avec des orchestres français, comme l' Orchestre de Paris, par exemple,...

AT - Oui, oui. Mais vous, vous êtes uen instituition...

PB - Oui. Biên sûr. Au début, quand vous êtes trés jeune, on regarde ce que vous faites et ils ne vous font pas automatiquement confiance. Tandis que si vous avez une certaine réputation, on regarde ce qui vous faites mais on ressent qu'il y a déjà toute une conaissance et donc les raports sont différents, biên sûr.

AT - J'ai su que dans un cas, le ministre de la culture a dû s'excuser, par écrit, devant deux musiciens trés connus: André Prévin et sa femme, la violiniste Anne Sophie-Mutter. ils ont laissé tomber l'engagement et sont partis sans faire les concerts. Aparement les musiciens des orchestres français font des problemes à tout le monde. Discipline c'est quelque chose que n'existe pas...

PB -Si on établit la discipline, las discipline existe. Si la discipline n'existe pas il doit avoir quelque chose dans l'instituition et il faut en connaître la raison. je ne connais pas les orchestres en détail... Je les connais quand je dirige, et je n'ai pas de problèmes... J' étais confronté à des problèmes autrefois, mais j'aimerais dire qu'ils on été très vite résolus. À ce moment-lá il faut dire ce qu'on pense et travailler, tout simplement.

AT - Qu'est-ce qui c'est passé quand vous êtes parti en Amérique et quand le président de la République est allé vous chercher?

PB - Non, non...

AT - Ça c'est ce qu'on dit...

PB - Ha oui... Non... Simplement... oui, le président, c'étai Pampidou à l'époque, m'a dit « nous aimerions que vous reveniez en France. Vous avez fait tout cela à l' étranger, pouquoi pas ici? ». C'est comme ça qu'il m'a inclus dans le project du centre qui porte son nom.

AT - Et l' IRCAM?

PB - Avec un parapluie, certainement pas...

AT - Il vous à offert des conditions exceptionelles...

PB - Il m'a dit simplement "voilá ce que je fais. Ça vous intéresse?". J'ai dit "oui, ça m'intéresse", tout simplement. Il n'a pas crée ça pour moi. L'IRCAM oui, c'est moi qui a donné l'indication aprés. Mais le centre culturel qui s'appele Georges Pampidou maitenant, c'est bien lui qui l'a crée, pas moi. On doit finir maintenant.

AT - Ça a été n plaisir...

PB - J'ai un concert ce soir...

(rires)

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